L'architecte Thomas Chung, récompensé à l'international, est investi dans un projet qui s'écarte des gratte-ciel emblématiques de Hong Kong et des développements à haute densité. Il se concentre en effet sur 19 minuscules cabanons en pierre isolés et disséminés à flanc de montagne sur Lantau Island.
Chung, professeur associé à The Chinese University of Hong Kong’s School of Architecture, dirige une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans l'architecture, l'anthropologie, l'écologie, la géographie et les sciences de la vie. Il s'est auparavant concentré sur les zones urbaines de Hong Kong telles que Central, Sheung Wan et Shau Kei Wan, mais s'intéresse depuis 2014 aux villages ruraux.
Lorsque l'on s'intéresse à Hong Kong, de nombreux architectes étudient systématiquement les zones urbaines à forte densité. Mais je me suis rendu compte, tant au niveau de l'enseignement que de la recherche, qu'il y avait beaucoup plus à explorer au-delà de ces zones, explique M. Chung.
En 2021, M. Chung s'est concentré sur Lantau Island, alors qu'il travaillait sur un projet financé par le Government’s Lantau Conservation Fund pour préserver le village de Shui Hau, vieux de 400 ans, le long de la côte sud de l'île.
Pendant cette période, il a découvert les cabanes à toit plat du Lantau Mountain Camp, nichées sur les pentes en contrebas de Sunset Peak (869m - troisième plus haute montagne de Hong Kong) et de Yi Tung Shan (747m - neuvième plus haute).
Au début du XXe siècle, des missionnaires de différents pays - États-Unis, Royaume-Uni, Scandinavie, Suisse et Allemagne - s'y rendaient pour une escapade estivale. Certains d'entre eux s'y rencontraient pour la première fois. Il y avait là une véritable communauté, explique-t-il.
Certains de ces cabanons rudimentaires, de plain-pied, d'une superficie allant de 18 à 38 mètres carrés, avec deux ou trois pièces et une salle de bain, mais sans électricité, appartiennent encore aux églises qui les ont construites au milieu des années 1920 et au début des années 1930.
D'autres cabanes ont été achetées par des personnes recherchant la tranquillité, des journées d'été plus fraîches et des vues spectaculaires sur la montagne et la ville. Par temps clair, on peut voir Kowloon, Cheung Chau, le Hong Kong International Airport et Shenzhen.
M. Chung se souvient parfaitement de sa première visite dans la région en novembre, lorsque le paysage était orné d'un vaste champ doré d'herbes hautes de Chine (Miscanthus sinensis), qui peuvent atteindre jusqu'à deux mètres de haut.
Au fur et à mesure que l'on s'élève, la terre devient plus sèche et la végétation est différente. Puis on arrive et on voit les cabanes dispersées sur deux pentes avec une 'selle' entre les deux, décrit-il. "On peut voir les nuages autour, puis la ville en arrière-plan. La vue est majestueuse.
Inspiré par ses expériences, Chung a formé une équipe de recherche avec les résidents du camp pour lancer un autre projet, également soutenu par le fonds, intitulé ‘Regenerating the Landscape of Lantau Mountain Camp: Co-creative Architectural Restoration and Natural Conservation through Participatory Initiatives’ (Régénération du paysage du camp de montagne de Lantau: Restauration architecturale co-créative et conservation naturelle par le biais d'initiatives participatives).
Cette initiative de trois ans, débutée en 2023, vise à restaurer un cabanon situé à un endroit stratégique pour en faire un "poste d'assistance" fonctionnel qui fournira des produits de première nécessité aux visiteurs et facilitera les recherches pilotes en matière de conservation.
"La restauration architecturale est un point de départ. L'idée est de restaurer l'un des cabanons, appelé "Caretaker's Hut" (cabane du gardien), pour que des personnes connaissant la montagne s'y installent pour apporter de l'aide en cas d'urgence et entretenir le paysage. Ils seront également là pour éduquer les visiteurs sur ce qu'il faut faire et ne pas faire", explique M. Chung.
Chung trouve la construction de ce ces cabanons en elle-même fascinante. Construites avec des pierres de 40 centimètres d'épaisseur, elles font preuve de pragmatisme et de compacité. "La plupart d'entre elles sont constituées de grands blocs rectangulaires et quelques-unes de blocs ronds. Les volets sécurisés par des barres métalliques et les pièces dotées de petites lucarnes montrent qu'elles ont été construites dans un souci de protection", décrit-il.
La conception de ces cabanons est probablement le fruit d'expériences passées. Les missionnaires avaient déjà construit un camp sur le Tai Mo Shan (le plus haut sommet de Hong Kong avec ses 957 mètres), avant qu'il ne soit détruit par un typhon. En revanche, les murs robustes des cabanons du Lantau Mountain Camp ont résisté à près d'un siècle de conditions météorologiques périodiques extrêmes.
Le projet a permis à M. Chung de rencontrer certains des habitants, notamment Mark Loasby, directeur général et président de l'association Lantau Mountain Camp Residents Association, qui a participé à l'étude.
L'équipe de M. Chung recueille actuellement des informations et des histoires sur le camp, notamment sur la manière dont les premiers habitants ont établi des liens avec les visiteurs attirés par le site et les villages voisins pour s'approvisionner au fil des décennies. "Les missionnaires du camp se faisaient des amis dans toute la région de Lantau", explique M. Chung.
Il espère créer à terme une expérience de réalité virtuelle à 360 degrés de la zone, accessible au public sur les ordinateurs et les téléphones portables, afin d'encourager le plus grand nombre à reconnaître que le Lantau Mountain Camp est un atout historique important qui mérite d'être conservé. "Nous voulons découvrir tous les aspects du site et diffuser l'information auprès du grand public", explique M. Chung. "Nous prévoyons également des activités expérimentales sur le site et dans le centre-ville afin d'impliquer les gens et de les sensibiliser au site et à sa préservation.